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En novembre 2016, à la croisée de deux grands programmes de rénovation urbaine, Rudy ELEGEEST, Maire de Mons en Baroeul, exposait sa vision de l'évolution urbaine de Mons en Baroeul et la nécessité d'anticiper collectivement sa transition vers la ville durable. Retrouvez ci-après l'interview qu'il nous avait alors accordé.


 

Monsieur le maire, ce moment est-il opportun pour vous exprimer sur le theme de l'urbanisme ?

Le moment s’y prête pour au moins trois raisons.

La MEL, Métropole Européenne de Lille, élabore actuellement, en lien avec les communes, son Plan Local d’Urbanisme (PLU). C’est un document important puisqu’il définit les grandes orientations de la Métropole pour les 10 ans à venir en matière de développement économique, d’accessibilité, de logements, de cadre de vie, de préservation des ressources naturelles… Il précise également, à l’échelle de chaque secteur, jusqu’à la parcelle, les capacités et les règlements de construction : les vocations (habitat ou développement économique), les volumes, les matériaux… Notre ville est située - et c’est un atout très important - en plein cœur de la Métropole. Il est donc essentiel de nous positionner sur ces orientations de la Métropole Européenne de Lille et de les intégrer.

La seconde raison est plus "monsoise". Notre ville a eu une histoire urbaine très particulière, exceptionnelle. Au milieu des années 60, elle a connu un doublement de son nombre de logements et d’habitants sur 8 ans, avec la construction de ce qui s’appelait "la ZUP".

Ce choc urbain a profondément marqué la forme, l’identité de notre ville. Depuis 10 ans, nous avons préparé et réalisé, pour et avec les Monsois, un Programme de Rénovation Urbaine considérable : 200 millions d’euros de travaux, 1 200 réhabilitations de logements, 400 démolitions, 400 constructions, une école, une salle d’escalade, des salles associatives, de sports, de spectacles, des parcs et espaces publics complètement requalifiés… L’inauguration prochaine de la salle "ALLENDE !" marquera la fin du 1er programme "ANRU" dont la mise en œuvre aura duré une dizaine d'années.

Ces chiffres sont trop abstraits. "400 démolitions", c’est 400 fois une famille à reloger. Là, on n’évoque pas des travaux, on est dans l’humain, autant de situations individuelles différentes à accompagner... Madame Dubrulle, Adjointe en charge de ce dossier et le CCAS ont accompli un travail considérable avec les bailleurs. Et les Monsois ont été compréhensifs…

Parfois, je me dis que l’on oublie vite comment c’était avant et on imagine difficilement ce que ce quartier de 12 000 habitants et donc notre ville seraient devenus, si nous avions fait le choix – facile mais inconséquent – de ne rien faire.

Nous savons à présent que le quartier du "Nouveau Mons" est retenu, au niveau national, pour un Nouveau Programme de Rénovation Urbaine (NPNRU) qui va permettre de poursuivre, dans les 10 prochaines années, cette métamorphose de notre ville.

C’est une bonne nouvelle ! Il y a 10 ans, l’annonce du 1er programme avait pu générer quelques inquiétudes, tout à fait légitimes, vu l’ampleur de l’opération. Aujourd’hui, de nombreux Monsois de ce quartier qui n’ont pas bénéficié du 1er programme – prenons l’exemple du secteur de la place de Bourgogne – sont en attente : "Quand allons-nous bénéficier nous aussi de ces réhabilitations ?".

Ce nouveau programme nous offre également la possibilité de définitivement améliorer l’image et l’attractivité de notre ville. J’ai trop entendu : "Mons, c’est la ZUP". Je suis convaincu que ce changement d’image est positif pour l’ensemble des quartiers de la ville.

Ce nouveau programme va nécessiter un travail considérable. Avec l’ensemble des partenaires, il nous faut mener toutes les études pour savoir ce que l’on va réhabiliter, reconstruire, requalifier. Il faut surtout rassembler les moyens nécessaires (MEL, Région, bailleurs, ANRU, Ville…) dans un contexte où les financements publics sont de plus en plus limités.

Cette préparation va durer jusque fin 2017 et, dans cette période charnière, il est important d’informer, d’échanger, de partager avec les Monsois, d’expliquer les enjeux, les calendriers. C'est l'objectif de cette nouvelle publication et les premières orientations feront l'objet d'une concertation mi-2017. L’urbain doit être au service de l’humain !

Les premiers chantiers de ce nouveau programme démarreront en 2018. Ceci dit, en termes de travaux, il n’y aura pas vraiment de pause : la réhabilitation de la tour Anémones - les fameuses "tours jumelles" au sud de la ville - est amorcée, les relogements pour pouvoir "ouvrir" la barre "Galion" à l’arrière de l’Hôtel de Ville sont en cours, la maison du projet et un nouvel immeuble, en cours de construction, vont venir achever le centre-ville.

Enfin, dernière raison, certains projets - je pense par exemple aux logements sur la parcelle située à côté de la piscine municipale ou rue Montesquieu ou encore au numéro 235 rue du Général de Gaulle - nécessitent des rencontres, suscitent parfois des débats. Ils s’expliquent en outre par l’écart qui peut exister entre une approche locale, de voisinage, tout à fait respectable et compréhensible et une vision plus globale de l’évolution de la ville. En fait, chaque opération se situe dans le cadre d’une stratégie urbaine d’ensemble, mûrement réfléchie et mise en œuvre depuis des années. L’évolution de notre ville ne doit pas être vue comme l’addition de situations locales. Il faut une vue d’ensemble et il est important d’évoquer cette vision avec tous les Monsois. Ensuite, il est nécessaire de trouver dans le dialogue, le compromis, un juste équilibre entre les préoccupations locales et cette stratégie urbaine.

Revenons à l’échelle métropolitaine, quelles sont les orientations retenues ? Qu’en pensez-vous ?

Il est difficile de résumer une année de débats - qui sont d’ailleurs encore en cours - nécessaires pour élaborer le SCoT (Schéma de Cohérence Territoriale) et donc ce PLU (Plan Local d’Urbanisme). Au-delà du jargon et des procédures technocratiques, les enjeux sont importants puisqu’il s’agit de définir et réglementer l’évolution de la Métropole pour les années à venir : les axes de circulation, le développement économique, l’habitat, les espaces verts et naturels…

La plupart des orientations font consensus entre les élus des communes de la Métropole. Le point qui suscite le plus de débats concerne la question de la consommation foncière.

Sur le territoire métropolitain, dans les 10 ans qui viennent, on estime qu’il sera nécessaire de réaliser 6 000 logements par an pour répondre aux besoins des familles. Il faut aussi consacrer des hectares au développement économique et donc à l’emploi. La question qui se pose est donc naturellement de savoir quels terrains utiliser, où, pour quoi faire ?

L’orientation retenue consiste à limiter "l’étalement urbain". Ce phénomène, en cours depuis les années 60 et la généralisation des déplacements en automobile individuelle, se traduit par une extension toujours plus importante des agglomérations sur la campagne alentour, afin de construire des zones économiques, commerciales et des logements là où les terrains sont plus disponibles et moins chers.

Cet étalement urbain doit être limité car il contribue au grignotage des terres agricoles, à l’imperméabilisation des sols ; il oblige à des déplacements "pendulaires" : des allers-retours matin et soir qui sont sources de stress, de coût et de pollution. Cette façon de laisser la Ville s’étendre comme dans les années 60 ou 80 doit être freinée. Et cela impose, pour répondre aux besoins de logements ou d’activités, de trouver au cœur des villes, au plus près des services, des équipements, des capacités d’accueil de nouveaux logements et activités. Il s’agit de "renouveler la ville sur elle-même", d’accepter une forme de densification : densifier plutôt qu’étendre la ville !

Pour des raisons évidentes de respect de l’environnement, cet objectif est louable, le principe est bon. Avec Nicolas Joncquel, mon Adjoint à l’urbanisme, nous considérons même que la MEL aurait pu aller plus loin encore pour affirmer cet objectif. Par contre, même si l’on approuve l’idée générale, sa traduction au niveau local n’est pas toujours facile. On préfère en général de ne pas avoir de construction près de chez soi !

Cela demande aussi de ne pas commettre les mêmes erreurs que par le passé et donc de rechercher des formes urbaines et architecturales qui réconcilient la qualité et la densité urbaine. La densité n’est pas synonyme de barres et de tours comme dans les années 60 !

La Ville de Mons en Barœul est-elle concernée par ces enjeux ? Comment nous situons-nous ?

Evidemment ! Les questions urbaines, la question de la densité sont importantes pour notre ville compte tenu de l’histoire très singulière que je viens de rappeler. Notre ville, vers 1980, après la construction de la "ZUP" avait atteint des records de densité : nous étions presque à 30 000 Monsois, près de 10 000 habitants/km². C’était trop et les élus de l’époque ont eu raison d’arrêter cette évolution. 

Mais aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Avec moins de personnes par logement et les évolutions de ces dernières années nous sommes aujourd’hui 21 500 Monsois. Mons en Barœul n’est plus la ville la plus dense de la Métropole, c’est la Madeleine.

Cette situation d’une ville située en plein cœur de la Métropole qui a perdu 8 000 habitants est un paradoxe et même un non-sens dans le contexte métropolitain que je viens d’évoquer et qui vise à limiter l’étalement urbain.

La réflexion conduit également à densifier à proximité des axes lourds de transports en commun afin de limiter l’usage des véhicules individuels avec toutes les conséquences que l’on connaît. Or, Mons en Barœul a un atout à ce niveau : un territoire compact - 3 km2 - qui en fait une "ville des courtes distances" traversée par la ligne 2 du métro.

Enfin, il faut rappeler le besoin en logement des familles. Actuellement, nous dénombrons 3 200 demandes de loge-ments formulant le choix de Mons en Barœul dont 800 indiquant notre ville en premier choix. Nous avons besoin de logements de qualité, diversifiés, pour répondre aux besoins des familles, des jeunes, des aînés… Pour les Monsois les plus âgés, les demandes sont importantes ; ce qui a été construit sur la plaine Picasso et la résidence-services en cours de construction sur l’ancien site des Mille Roses sont destinés à répondre à ces besoins.

Compte tenu de tous ces paramètres, de ces contraintes, de ces orientations à la fois métropolitaines et municipales, je pense que notre ville peut progressivement s’orienter vers un équilibre raisonnable et raisonné aux alentours de 23 000 habitants.

Mais la question centrale à Mons en Barœul n’est pas tant de construire que de reconstruire…

Que voulez-vous dire ?

Les études qui s’amorcent vont donc permettre d’identifier les espaces publics que nous pourrions requalifier, les logements ou équipements publics, notamment les écoles (Provinces, Montaigne ?), qui pourront bénéficier de réhabilitations. Il s’agit également de déterminer les immeubles qu’il serait nécessaire, compte tenu de leur état et si leurs propriétaires, les bailleurs, y sont favorables de – comme l’on dit à présent – déconstruire.

Le 1er programme a conduit à la démolition de 5 immeubles (un fond de "U" Marc Sangnier, la barre Rhin et Danube, et les 3 immeubles vétustes et dégradés de la place Ile-de-France) soit 400 logements. Le nouveau programme, qui s’étalera sur près d’une dizaine d’années, conduira au maximum à la démolition de 2 ou 3 immeubles soit de l’ordre de 200 logements.

Compte tenu du manque de logements, de la nécessité de maintenir le patrimoine des bailleurs et des relogements indispensables, les textes, pour ces grands programmes urbains, imposent une règle impérative : à un logement démoli doit correspondre un logement reconstruit. C’est une obligation. Cela nécessite aussi des terrains, d’autant qu’à la place des grandes barres de 8 ou 10 étages on reconstruit des maisons ou de petits immeubles (de 3 étages au maximum) à l’image de ce qui a été fait avenues Rhin et Danube ou Mendès France.

Il faut insister sur le fait que ce qui est reconstruit, en termes de formes architecturales et de qualité résidentielle ne ressemble aucunement à ce qui est démoli.

Du fait de cette règle du "1 pour 1", seules des constructions nouvelles permettent de poursuivre l’évolution indispensable de notre Ville ; or, à Mons en Barœul, les disponibilités foncières sont très rares, ce qui constitue une difficulté.

Ces règles, ces enjeux notamment sur le plan foncier menacent-t-ils les espaces verts monsois ?

Nous mettons tout en œuvre pour les embellir et les conforter dans la mesure où ils constituent un atout important pour le cadre et la qualité de vie des Monsois.

Pour le 1er Programme de Rénovation Urbaine, nous avons fait appel à un paysagiste et non à un urbaniste pour concevoir le schéma urbain. Nous allons continuer ainsi pour le second programme. Il y a quelques années, l’axe de l’Europe ou l’avenue Marc Sangnier étaient de véritables autoroutes : deux fois deux voies bordées de grands parkings. Aujourd’hui, Marc Sangnier est un parc urbain.

Nous avons replanté deux fois plus d’arbres que le nombre de sujets – souvent des peupliers choisis parce qu’ils grandissaient vite mais qui dégageaient d’importants pollens – qui ont dû être abattus. L’éco-parc du Barœul a été totalement réaménagé. Des jardins familiaux ont été créés. Le Mail Carrel ou le Plateau des Acacias étaient des étendues de béton ou de bitume qui ont été réaménagés en espaces verts. De petits squares, rue Gabriel Péri ou rue de Paris, ont bénéficié d’améliorations.

Je ne suis pas particulièrement attiré par les labels et récompenses. Mais, en quelques années, la Ville de Mons en Barœul a obtenu trois fleurs au concours des Villes Fleuries et le "Nouveau Mons" a reçu une labellisation nationale "éco-quartier" qui intègre évidemment la dimension paysagère.

Le jury, là aussi national, de "Villes et Paysages" est venu parcourir les rues et avenues de notre Ville. Nous pouvons et allons toujours accomplir des progrès ; mais qui aurait imaginé tout cela, il y a 20 ans, quand Mons en Barœul, pour beaucoup, faisait plus penser au béton qu’aux espaces verts ! Mons en Barœul, petit à petit, devient une belle Ville !

Votre vision d’avenir pour conclure ?

Je suis optimiste quant à l’avenir de Mons en Barœul. Notre situation géographique, le métro, tous les changements que je viens d’évoquer rendent notre ville de plus en plus attractive.

Seul le quartier récent, celui du "Nouveau Mons", est éligible à ces dispositifs lourds et complexes des grands programmes urbains. Mais à l'évidence, son évolution est bénéfique à l’ensemble de notre ville.

Des signes ne trompent pas. Des promoteurs renommés, comme au Trocadéro ou à côté de la Mairie, développent des programmes en "accession" qualitatifs. Cela aussi était inimaginable il y a quelques années et cela contribue à diversifier et à requalifier l’offre de logements dans un quartier où près de 90 % des logements étaient du logement dit - je n’aime pas ce terme - "social".

Tout cela demande un travail considérable de la part de nombreux partenaires et de l’équipe municipale. Je tiens à les en remercier. Rien n’est simple, rien ne se fait dans la facilité. Les contraintes financières et foncières sont importantes… et, parfois, il y a des signes d’encouragement : quand des personnes qui ne sont pas venues à Mons depuis longtemps viennent spontanément me dire : "Qu’est-ce que ça a changé !" ; quand, aux beaux jours, je rencontre un groupe de Monsoises qui discutent assises sur des bancs ou des sièges de camping au milieu de l’Avenue-parc Marc Sangnier là où, il y a quelques années, nous avions des étendues de bitume et de parkings… Au contraire, parfois, il y a des signes qui font mal comme des encombrants ou des détritus déposés négligemment. L’urbanisme ne peut pas tout et les comportements de chacun doivent accompagner ces améliorations.

L’urbanisme, c’est une réflexion et un travail de long terme...Nous devons parfois regarder loin à l’horizon. L’avenir d'une ville ne se décrète pas mais il ne peut être laissé au hasard : il se prépare, parfois longtemps à l’avance. Il est des choix, des énergies, des volontés qui conditionnent l’avenir.

J’ai souhaité partager avec vous quelques éléments d’information et de vision de l’avenir de Mons en Barœul : une petite ville de la banlieue lilloise où l’on a construit une ZUP, devenue éco-quartier… bientôt une ville durable au cœur d’une Métropole européenne.