Vous êtes ici

Précédent
24 juillet 1916 - Châlons sur Marne - Concert donné devant le Général Gouraud par des soldats du 59ème R.I, retour de Verdun, avec des instruments de leur fabrication.

#26.1

Dans le tranchées, dans les cantonnements, pour se redonner le moral, renforcer les liens entre frères d'armes et égayer ces longues heures passer à attendre, on chante : « Ma p'tite Mimi » (désignant la mitrailleuse le r'verras Paname », la célèbre « Madelon »,   et bien d'autres  au style de corps de garde : « la boiteuse du régiment », « vive le pinard » … Des rangs de la légion étrangère comme au dessous des tranchées allemandes, s'élève un même chant : « ich hatte einen Kameraden », « j’avais un bon camarade ».

On dit que « la musique adoucit les mœurs » or on a bien besoin de « douceur » pour atténuer les horreurs de la guerre. Parmi les mobilisés, certains ont une pratique musicale de l'orphéon à l'ensemble symphonique … mais par contre, on manque d'instruments ! Alors, avec ce que l'on a sous la main, on bricole des instruments de fortune qui sonnent un peu bizarrement mais qui sont « jouables ». Le plus connu d'entre-eux est le violoncelle qu'ont fabriqué avec une caisse de munitions et des  montants de porte en chêne, deux camarades de régiment de Maurice Maréchal, un virtuose qui fit une grande carrière internationale après la guerre. Ces deux menuisiers reconvertis en luthiers improvisés, Albert Plicque et Antoine Neyen, ont été tués à l'automne 1915 mais cet instrument, baptisé « le poilu » par Maurice Marechal, sera conservé précieusement. Il figure aujourd'hui dans les collections du musée de la cité de la musique.   

Notons que plusieurs grands compositeurs ont voulu coûte que coûte s'engager dans le combat. Maurice Ravel, malgré sa frêle constitution parviendra à être affecté au brancardage des blessés. Après avoir eu les pieds gelés lors d'une garde de nuit, il fut définitivement réformé.

Le compositeur tourquennois, Albert Roussel, bien qu'exempté pour raisons de santé de toutes obligations militaires, n'accepta pas non plus d'être tenu à l'écart : « chacun doit payer de sa personne pour le salut de tous … j'ai eu jusqu'ici assez de bonheur dans ma vie pour l'accepter sans me plaindre ». Il servira comme conducteur automobile puis comme ambulancier.  

10 mai 1916 - Boucq - Le Théâtre aux Armées. Représentation dans le parc du château (en scène Mesdames Sarah Bernhard, Dussane, M.Dumeny)

#26.2

Des troupes de comédiens, des chansonniers, parcourent les lignes arrières du front et posent leurs tréteaux à proximité des cantonnements. Habitués des scènes urbaines, ils n'hésitèrent pas à renouer avec les traditions de saltimbanques ambulants, et donnent, le plus souvent en plein-air, avec des moyens techniques très basiques mais devant une marée d'hommes en uniformes, des spectacles entre music-hall et cabaret. Ces revues alternent saynètes comiques et chansons légères pour ne pas dire grivoises. Le public, qui souvent assiste pour la première à ce type de représentation, est ravi … On oublie pour un moment, la guerre !

Des tournées plus prestigieuses de « théâtre aux armées » avec des sociétaires de la comédie française visitent également les braves qui défendent leur pays. La grande Sarah Berhardt, « la divine », portant déjà septuagénaire et amputée d'une jambe, donne de sa personne !

On la devine sur la scène lors d'une représentation sous les frondaisons du parc du château de Boucq.  Ne voulant pas être affublé d'une canne, dans de somptueux atours, elle se déplace en chaise à porteur et joue assise; ainsi fut-elle affectueusement surnommée « la mère la chaise » (en référence au père Lachaise ) mais elle n'en fut pas moins authentiquement patriote. 

Elle déclara, après un baisser de rideau :"J’aurais voulu mourir là, au milieu d’eux, si fraternels, si héroïques, si gais, si joyeusement, si simplement Français ! Non, il n’y a pas de théâtre somptueux, de publics de rois, de milliardaires, d’altesses et de grandes dames, qui vaillent ce public de soldats de France" . L'une des comédiennes à qui elle donnait la réplique, Béatrix Dussane témoigna de cette ferveur:  « quand, sur son cri final : "Aux armes !" la musique attaque la Marseillaise, les trois mille gars de France sont debout et l'acclament en frémissant.»

Photos - Albums Valois -  Bibliothèque de Documentation internationale contemporaine (BDIC)