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15 mai 1918 - Saint Pol - Ambulance britannique. Infirmière pensant un officier britannique blessé dans un accident d'automobile.

#48.1

La terre de France, comme ses hommes, fut saignée, brûlée, déchirée, éventrée … La guerre se termina au matin du 11 novembre 1918 mais les plaies morales et physiques du pays comme celles de ses défenseurs ne se refermèrent pas à la signature de l'armistice. Longtemps encore séviront ces  douleurs profondes des coeurs et des corps.

La consolation des âmes en peine et des souffrances de la chair de ces hommes ravagés par le feu, le fer, la poudre, leur fut apportée autant par des soins qu'à la faveur passagère d'une tendresse toute maternelle, d'une bienveillance toute féminine. Ceux qui regagnèrent leur foyer, les trouvèrent auprès d'une mère, d'une épouse, d'une sœur mais pour les éclopés, les gueules-cassées, les gazés, …, les mourants dans leurs hôpitaux et dispensaires, leurs infirmières et aide-soignantes furent  ces « anges blancs » veillant sur eux.

Elles étaient fort peu nombreuses en ce début de siècle et d'autant moins que les congrégations de sœurs dévouées au service des malades, avaient été écartées des établissements publics (loi de séparation de l'église et de l'état de 1905 oblige). La première école d’infirmière en France, ne fut créée qu'en 1907 à l’hôpital parisien de la Pitié-Salpêtrière.

Aussi, devant la marée de blessés qui submergea les hôpitaux dès les premiers combats, on fit appel à toutes les bonnes volontés. Ainsi denombra-t-on durant le conflit en France jusqu'à 30 000 infirmières et 70 000 bénévoles sur l'ensemble des établissements accueillant des soldats malades , blessés, hospitalisés, en convalescence ou en rééducation. 

Un journaliste du « Figaro », auteur dramatique et poète par ailleurs, les qualifiaient, à l'égal de l'armée de terre, de l'air et de la marine, de « quatrième armée ».  Dans un style un peu ampoulé, il écrivait : « à peine le canon s'était-il tu à Charleroi que déjà, en uniforme blanc croisé de rouge, cent mille femmes de tout âge, de tout rang social, de toutes croyances, se dressèrent au pied de cent mille lits ou couchettes, face aux faiseurs de cadavres, et déroulant leurs bandelettes. Palais, hôtels, villas, maisons, appartements ou chaumes, tout habitacle ayant toit et âtre eut à sa porte une hôtesse militante et intrépide qui hébergea un ou plusieurs des navrés de la famille nationale et se voua à leur guérison. »

Dans un registre plus sobre, le photographe a composé ici ce charmant tableau où l'on voit une jeune et jolie infirmière prodiguant avec attention et douceur les premiers soins à un accidenté de la route.  

1917 - Paris - Hôpital du lycée Rollin. Chambre de blessés.

#48.2

La médecine de guerre ne pouvait évidemment pas, échapper à la violence et à la dureté de la guerre elle-même. Comment aurait-il pu en être autrement ? Depuis le ramassage des blessés sous la mitraille par les brancardiers, le « «tri » à la première ambulance entre ceux qu'on pouvait sauver et ceux condamnés à attendre leur fin prochaine, leur transport sans ménagement jusqu'à premier poste médical déjà débordé, des médecins surmenés faisant ce qu'ils pouvaient dans l'urgence jusqu'à, enfin un lit, des draps blancs, de la soupe chaude, des pansements propres ...dans un hôpital à l'arrière. 

Un hôpital comme celui installé dans le grand hôtel du Crotoy au bord de la baie de Somme et où Angeline Baillon fut infirmière volontaire durant deux ans.  Elle consigna dans un journal son vécu d'infirmière : « je fais bouillir le linge des malades, je suis heureuse de leur donner mes soins ». A propos d'un malheureux couvert de plaies: «il souffre toujours beaucoup. Il me réclame souvent, je lui fais des petits cousins pour mettre partout dans son lit pour relever ses jambes, ses bras enfin un peu partout ... ». Il décédera. Pour un autre récemment opéré, « je lui fait un lait de poule tous les jours au matin, il est si heureux; il me dit que de bonnes choses », par exemple « madame, je n'ai jamais été aussi bien ...». Elle tâche d'améliorer l'ordinaire : « la marchande de fromage blanc passe; j'en achète pour mes malades, ils sont bien contents ... »

Ici, à Paris, deux infirmières entourent un homme sous perfusion dont la jambe a été placé en extension ...scène ordinaire d'une salle d’hôpital avant mais aussi, des mois, des années encore,  après la guerre.   

Photos - Albums Valois -  Bibliothèque de Documentation internationale contemporaine (BDIC)