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20 juillet 1916 - Souain - Dans les ruines du village. Soldat fleurissant la tombe d'un camarade.

#16.1

Aux côtés des hommes qui se battent, au milieu des destructions, sur une terre éventrée, pilonnée, souillée, sous des orages d'acier, la vie ne renonce jamais. Par ces printemps de guerre, la vie, dans son obstination à renaître, revint, chaque année, rappeler aux hommes, qu'un jour viendrait où la nature, patiente, reprendrait ses droits sur ces champs mis à feu et à sang. Au détour d'une page d' « A l'ouest rien de nouveau » d'Eric Maria Remarque, on peut lire « Deux papillons jaunes jouent tout un après-midi devant notre tranchée ; leurs ailes sont tachetées de rouge. Qu'est-ce donc qui a pu les attirer ici ? Il n'y a pas une plante, pas une fleur aux alentours [...] Aussi insouciants sont les oiseaux,ils se sont habitués, depuis longtemps, à la guerre. Chaque matin des alouettes montent dans le ciel entre les fronts ennemis. Il y a un an, nous avons pu en observer en train de couver et qui, même, réussirent à élever leurs petits. »

Mais la nature ne répare pas la folie des hommes, elle encaisse elle-aussi les coups et fait avec. Partout où elle le peut, elle tente de regagner du terrain. Ainsi, cette photo nous  montre un terrain vague labouré de plaies et de bosses, hérissé ça et là de ruines pantelantes. Un portail rouillé n'ouvre désormais plus sur rien. Une croix de bois mal équarrie y marque l'emplacement où a été hâtivement enseveli un soldat « tué à l'ennemi».

Cette terre de misère et des larmes, celles d'un camarade venu honorer son frère d'armes, est pourtant tapissée d'une myriade de fleurs des champs. Pâquerettes, coquelicots, bleuets, myosotis, pimprenelles, colchiques recouvrirent les tombes, celles de jeunes hommes tombés au printemps de leur vie.

D'autres brassées de fleurs apportées par tant de femmes cachant leur visage raviné de larmes sous leur mantille, seront, des années durant, déposées sur tant de tombes portant le deuil de tant de printemps sans lendemain. Alors qu'au fil des saisons  les plaies de la terre s'estompent, combien passeront de tristes printemps aux couleurs éteintes de cette photo !

18 juin 1915 - St Remy - Tombe d'un soldat dans le cimetière.

#16.2

La  guerre 14-18 fit des millions de morts et, hélas, cette hécatombe écrasa par son ampleur les drames que furent chacune de ces disparations.

Arrêtons-nous un instant sur cette tombe, fleurie, soignée. Là repose le soldat Paul Frachon enterré à proximité de là où il a trouvé la mort, au tout début de la guerre, le 3 septembre 1914, dans les Vosges.

On ne sait qui est cette jeune fille perdue dans son recueillement ? Elle pourrait être l'une de ses jeunes sœurs. Paul Frachon était en effet le quatrième d'une fratrie de sept frères et sœurs. Il venait de Lyon où son père Camille, son grand-père Vincent étaient négociants en soie. Avait-il fêté ses 21 ans le jour même de sa mobilisation, le 5 août 1914 ?  Mais, au premiers jours de septembre, il n'avait même pas eu le temps de sécher ses larmes: son frère Louis, son aîné d'un an, avait été tué au front dans les premiers jours de la guerre, le 18 août 1914 en Alsace !

Peut-on s'imaginer l'abîme de chagrin dans lequel a été précipité cette famille qui, en l'espace de 15 jours, a perdu deux de ses fils, des jeunes gens de 21 et 22 ans. 

Le destin continua à s'acharner sur cette famille.

Sur les plaques commémoratives posées en l'église de la Rédemption, place Puvis de Chavanne à Lyon, sont inscrits  pour l'année 1914, Paul et Louis et ... pour l'année 1918, Camille, leur père, qui s'était porté volontaire malgré son âge (56 ans). 

Une effroyable tragédie parmi des milliers d'autres ... 

Photos - Albums Valois -  Bibliothèque de Documentation internationale contemporaine (BDIC)