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  • 11 novembre 2018 : cent ans après, la mémoire résonne encore plus fort



Monsieur le général Dexter, ancien chef d'état major du corps de réaction rapide France

Monsieur le général Thomas, ancien chef d'état major inter-armée de la zone de défense Nord

Messieurs les officiers, Monsieur le président Géry,

chers enfants, mesdames et messieurs réunis ici 

Enfin, enfin, … après 1562 jours de guerre, en ce matin frais et brumeux du lundi 11 novembre 1918, à 11h, de Nieuport à la frontière Suisse, tous les clairons entonnèrent  la sonnerie du cessez-le-feu .

Enfin debout au milieu de tant de désolation, enfin libéré de toute peur, enfin on ne tuait plus, enfin on allait revivre  !

Pour les battus, ce fut sans doute un soulagement bien que teinté d'une profonde amertume,

pour les vainqueurs, ce fut aussi un soulagement doublé d'un légitime sentiment de fierté nationale.

Depuis que les hommes se font la guerre, celles-ci s'achèvent sur les acclamations des vainqueurs. « Le  jour de gloire est arrivé » avons-nous chanté, il y a quelques instants.

A ces clameurs se mêlent aussi des « vae victis »: malheur aux vaincus !

Depuis le vingtième siècle s'en est allé. L'histoire et le temps sont passés non sans douleur, non sans d'incommensurables drames. Nos armées respectives marchent aujourd'hui côte à côte. Les vainqueurs et les vaincus d'hier font ainsi honneur à cette injonction gravée sur la tour lanterne du mémorial de Notre-Dame-de-Lorette « Peuples, soyez unis ; Hommes, soyez humains ! »

Aussi, aujourd'hui, honorons-nous la mémoire de tous les combattants, de tous ces hommes militaires de carrière, conscrits, mobilisés qui, entre appréhension et sens du devoir, ont laissé derrière eux femmes, enfants, parents, et tout ce qui, jusqu'alors avait fait leur vie, pour partir à la guerre et parfois ne jamais en revenir !

On leur a ordonné de se battre, il se sont battus; on leur a demandé parfois plus qu'on peut en demander à un homme, ils l'ont fait ! 

Mais pourvu que l'homme n'ait pas disparu derrière le guerrier, auraient-ils  pu consentir jusqu'au sacrifice de leur vie

s'ils n'avaient pas eu la conviction d'être au service d'une cause plus grande qu'eux,

s'ils n'avaient  pas eu la conviction que l'enjeu de cette lutte à mort, était aussi une promesse d'avenir,

un avenir dont ils seraient peut-être absents, mais qu'ils voulaient meilleur … pour leurs familles, pour leur pays, ou l'idée qu'ils se faisaient de leur condition humaine.

Dans un monde idéal, cela s'appèle la Paix !

La guerre n'a hélas pas tué la guerre; 

la guerre avait certainement des raisons que l'humble soldat ne connaissait pas, 

Néanmoins, peut-être hâtivement, peut-être candidement, Monseigneur Julien, déclarait, lors de l'inauguration, en 1925, de la nécropole de Lorette « Ils sont morts pour la paix… Ils sont montés si haut dans leur sacrifice qu’ils ont qualité pour crier aux peuples encore trop égoïstes : assez de guerres ! »

Ce cri ne sera entendu que bien plus tard ; ce cri résonne encore aujourd'hui ! 

La guerre 14-18, européenne et fratricide,  fit près de 10 millions de tués parmi les militaires et presque autant de victimes civiles. Ils, Elles, ne sont pas morts en paix ! 

Nous qui sommes attentifs à préserver leur mémoire « contre la nuit qui tombe, oublieuse »,  nous leur témoignons, contre les vents de l'histoire, de cette paix précieusement entretenue depuis 73 ans.

A ceux qui l'avaient tant espéré sans jamais la connaître,  nous pouvons redire, une fois encore sans jamais en faire une évidence, un acquis, reposez en paix !

Pour n'avoir pas eu à partager votre sort,

Restons des pèlerins vigilants au long des interminables alignements de tombes de nos cimetières militaires, 

Continuons à nous rassembler, unis, au pied de nos monuments pensant aux deuils jamais refermés des familles de ceux, sans sépultures, mêlés pour l'éternité à la terre qui les a vu tomber. 

Sachons aussi combler les vides de l'histoire:

là où il n'y a peut-être jamais eu, ni tombe, ni monument,

là où rien n'a durablement marqué la mémoire des hommes,

là où tout trace a été détruite ou perdue: des rizières du Tonkin aux oueds d'Algérie, de la brousse sénégalaise aux forêts malgaches.

Hier encore, les anciens « poilus » portaient comme un devoir sacré, la mémoire de leurs frères d'armes morts aux combats.  Tous ont désormais disparu … le temps est venu de les réunir dans  une communion d'hommage, unis comme ils l'étaient au front partageant sous le même uniforme les mêmes épreuves si ce n'est le même destin.

Ceux qui ont connu ces vétérans savent que la guerre ne les avaient jamais laissés pleinement en paix.  Leur vie durant, aux réveils d'une vieille blessure, aux nuits d’insomnie, aux moments de solitude, remontaient en eux des relents de guerre que, ni le temps, ni l'esprit, n'avaient pu dissiper.  

Avec ce centenaire, s'ouvre un autre temps de la mémoire, une mémoire moins incarnée. Sans perdre de leur humanité, nos aïeux, anciens combattants de la « grande guerre » et ceux tombés au champ d'honneur vont devenir des passants de la grande histoire.

Pour marquer ce passage, je voudrais évoquer ceux qui nous ont précédé ici, qui ont vécu ici, qui, sont partis d'ici à la guerre et qui ne sont pas revenus.

Leurs noms avant d'être gravés dans le froid et le silence de la pierre, rebondissaient dans ces rues, s'accompagnaient d'un bonjour au comptoir des commerces, d'un bonsoir au zinc des cafés, d'un amical salut à l'arrivée au travail, ils devenaient dans l'intimité des foyers, un prénom, un « papa », un diminutif affectueux, amoureux ... 

Alors, pour la première fois peut-être, pour la dernière fois sans doute, nous allons vous rappeler à nous par l'énoncé de vos noms. A cet appel, vous êtes porté manquant depuis si longtemps déjà. Et reconnaissons le, nous vous avions petit à petit oublié mais aujourd'hui, dans la singularité de ce moment, vous revenez à nous, de retour chez vous.